La chanson de Julien by Catherine BOISSEL

Auteur:Catherine BOISSEL [Boissel, Catherine]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Presses de la Cité
Publié: 2019-07-15T00:00:00+00:00

Vaste complexe haussmannien, véritable enclave au cœur de l’agitation parisienne, Sainte-Anne tenait davantage d’un village que d’un simple hôpital. De part et d’autre du bâtiment principal, impressionnant avec ses trois étages, son campanile et ses multiples cheminées, s’organisaient de nombreux pavillons de moindre importance, certains reliés par des allées couvertes, d’autres séparés par des cours, des préaux ou des pelouses. Au-delà des toits, on apercevait le dôme d’un édifice religieux. La rigueur de l’architecture se voulait sans doute le symbole de l’irréprochable organisation régnant dans l’établissement.

En approchant, Pauline remarqua que la plupart des fenêtres des pavillons auxiliaires étaient grillagées. Son angoisse, qui s’était un peu dissipée à la vue des patients en veste et pantalon de toile assis sur des bancs ou se promenant au bras d’une infirmière attentive – il y avait même une jeune fille coiffée à la garçonne lisant dans une chaise longue –, revint à la charge comme une vague obstinée. Pour en finir le plus rapidement possible, elle hâta le pas.

A l’accueil, elle fut reçue par un jeune homme en blouse blanche assis à une table en bois couverte de dossiers et d’épaisses liasses de documents. Hormis cette table, l’ameublement plutôt spartiate se composait d’une rangée de chaises en bois. Des étagères garnies de boîtes à archives couvraient les murs. Entre deux rayonnages, un calendrier à effeuiller et un téléphone avaient réussi à se frayer une place dans la jungle de paperasses. Il régnait dans ce bureau une déprimante impression de vétusté, d’autorité et de sévérité.

Le protocole de la permission et du cahier noir recommença. Après un rapide coup de fil, en lui désignant une chaise l’infirmier pria Pauline de patienter, le docteur Leblay arrivait tout de suite. De fait, elle n’attendait que depuis quelques minutes quand un homme encore jeune aux lunettes rondes et aux cheveux châtains coupés ras fit irruption dans le bureau. Perçut-il l’angoisse de Pauline ? De toute la jovialité de ses joues rebondies, il la gratifia d’un chaleureux sourire et d’une poignée de main rassurante :

— Docteur Rémi Leblay. Ravi de faire votre connaissance, madame Dherfeuil. Vous avez fait bon voyage jusqu’à nous ?

La gorge nouée, en guise de réponse elle ne put que hocher la tête. Afin de lui donner le temps de se remettre, le médecin poursuivit d’un ton enjoué :

— Avant la visite, nous allons passer quelques minutes dans mon bureau. Je dois vous informer de certaines choses. Si vous voulez bien me suivre.

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